Les roches gravées un héritage amérindien

Les roches gravées un héritage amérindien
© Aurélien Brusini

Un peuple autochtone, ancêtre des Taïnos des grandes Antilles, a laissé une empreinte de son passage en Guadeloupe : de mystérieux dessins gravés dans la pierre, les pétroglyphes. Le décryptage d’un spécialiste, Henry Petitjean Roget(1).

OÙ TROUVE-T-ON CES ROCHES GRAVÉES OU PÉTROGLYPHES ?

Quasiment dans toutes les îles de la Caraïbe, de Trinidad et Tobago à Cuba. En Guadeloupe, plus de 1 000 gravures ont été répertoriées. C’est la plus grande concentration de toutes les petites Antilles. En Grande-Terre, on en a trouvé à l’anse Patate. A Marie-Galante, dans la grotte du morne Rita. Mais, la plupart se trouvent en Basse-Terre, dans les rivières du Carbet, de Bananier, de la Coulisse, du Plessis…, ainsi qu’au Parc archéologique des roches gravées et dans les bananeraies alentour.

COMMENT CES GRAVURES ONT-ELLES ÉTÉ RÉALISÉES ?

A l’époque, les chamanes disposaient d’un outillage très rudimentaire. Les figures ont été esquissées par percussions sur la surface d’un rocher, à l’aide d’un galet de rivière de forme oblongue. Ensuite, le trait a été rehaussé par le frottement répété d’un petit caillou afin de rendre le dessin plus visible. On sait, pour en avoir trouvé dans des grottes, que les pétroglyphes étaient peints avec des colorants naturels minéraux. Les terres riches en oxyde de fer donnaient des rouges et des jaunes, les nodules de manganèse réduits en poussière et dilués dans de l’eau donnaient un beau noir.

EST-ON PARVENU À DATER CES PÉTROGLYPHES ?

On pense que l’art rupestre s’est développé autour des Xe et XIe siècles dans la Caraïbe. Il s’est exprimé sur une très courte période, ce qui expliquerait l’homogénéité de leur style de Porto-Rico à la Grenade. Réalisés par les ancêtres des Taïnos, les pétroglyphes des petites Antilles sont rattachés à une étape du développement de la culture arawak (de 700 à 900 de notre ère).

QUE REPRÉSENTENT CES GRAVURES ?

Certaines sont réalistes. A la rivière du Plessis, deux roches gravées portent chacune un visage humain. A la rivière du Carbet, il y a un oiseau identifié comme étant un pivert. Non loin de l’embouchure de la rivière la Coulisse, une gravure montre une femme qui accouche dans l’eau, un homme chauve-souris domine la scène. Aux premiers temps, les hommes et les animaux étaient indifférenciés. Les femmes étaient des grenouilles et les hommes des guimbos (chauve-souris frugivores). Ce sont des thèmes ancestraux que l’art céramique a répétés en Guadeloupe, de 500 à 1 500 de notre ère. 

LE LIEU D’IMPLANTATION DES ROCHES GRAVÉES A-T-IL UNE SIGNIFICATION, UNE SYMBOLIQUE ?

L’art rupestre est, a priori, lié à l’eau. La plupart des pétroglyphes ont été découverts à proximité des rivières. Or, on constate qu’au Xe et au XIe siècles, il s’est produit des sécheresses très sévères dans toute la Caraïbe, qui ont perturbé les sociétés amérindiennes. Les jardins de vivres, dont s’occupaient les femmes, dépérissaient. Je pense que les pétroglyphes ont été sculptés pour protéger l’humanité du retour de la grande sécheresse qui aurait brûlé ces jardins, ou bien du déluge qui les aurait à nouveau noyés. Pour moi, les pétroglyphes étaient des régulateurs symboliques des extrêmes climatiques. 

(1) Henry Petitjean Roget est un spécialiste de l’art et de la mythologie des cultures des petites et des grandes Antilles et de l’héritage améridien dans la culture créole

Les roches gravées un héritage amérindien
© Jean-Bernard Valcy

Le savez-vous ?

Le terme pétroglyphe vient d’un mot latin petrus, la pierre, et du terme grec glyphein, écrire. Un pétroglyphe est une gravure sur un rocher.

Les roches gravées de la Guadeloupe sont toutes classées au titre des monuments historiques.

Selon Henry Petitjean Roget, « ce patrimoine culturel, lien caribéen important, n’est pas suffisamment protégé et mis en valeur.

Chaque inondation risque d’emporter et de faire disparaître des roches gravées, ces jalons de l’histoire précoloniale de la Guadeloupe ».

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