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Un nez des notes et des accords

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Tessa Whittaker est créatrice de parfums en Guadeloupe. Formée à Grasse, elle nous explique comment elle est devenue nez et en quoi consiste son métier.

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POUR VOUS, DEVENIR NEZ, C’ÉTAIT UNE ÉVIDENCE ?
Mes études de chimie me destinaient plutôt à une carrière dans l’industrie pharmaceutique, pétrolière ou aérospatiale. Ou encore dans la recherche. Bien
que passionnantes, ces voies ne laissaient pas assez de place à ma créativité. C’est en regardant un documentaire avec un volet sur le parfum que j’ai eu le déclic et que j’ai décidé que j’en ferai mon métier. A ce moment-là, ce fut comme une évidence.

QUELLE FORMATION AVEZ-VOUS SUIVIE ?
Etudiante, je me suis autoformée en travaillant dans des parfumeries et en lisant des livres. Mais j’ai surtout eu l’opportunité d’intégrer une des écoles les plus réputées et
sélectives d’Europe, le Grasse Institute of Perfumery, dans le sud de la France (Alpes-Maritimes). Après une formation intensive d’un an, j’étais capable d’identifier 1 500 matières premières.

COMMENT FAIT-ON POUR MÉMORISER AUTANT DE SENTEURS DIFFÉRENTES ?
Ce qui permet de les mémoriser, c’est l’imagination. L’odorat est le seul sens qui fait appel à nos souvenirs, à nos sensations, à nos émotions, à notre culture, à notre environnement, à notre éducation. On a tous une bibliothèque olfactive dans notre cerveau. Elle est activée dès la naissance. On enregistre les informations inconsciemment, on distingue ce qu’on aime et ce qu’on n’aime pas. L’odorat est un sens primitif. Tout est lié au vécu. Il n’existe pas d’endroits sans odeurs. Une fois qu’on a compris ça, on les analyse plus facilement. Mais cela nécessite beaucoup de pratique.

C’est un constant apprentissage, je découvre toujours des senteurs nouvelles.

UNE FOIS LES SENTEURS IDENTIFIÉES ET MÉMORISÉES, QUELLE EST L’ÉTAPE SUIVANTE POUR CRÉER UN PARFUM ?
Il faut ensuite apprendre à les associer à l’aide de ce qu’on appelle la pyramide olfactive, qui se compose de trois notes différentes. Les notes de tête : agrumes et aromatiques (thym, lavande, menthe…) ; les notes de coeur : fleurs, fruits et épices ; et les notes de fond : bois, muscs, orientaux et vanillés. Par exemple, la lavande, qui est une note de tête, a une senteur plutôt prononcée et caractéristique. J’y ajoute de
l’orange, également une note de tête, quand je souhaite une lavande moins présente. On apprend à construire un parfum cohérent en créant des accords.

QUELLES QUALITÉS SONT NÉCESSAIRES POUR DEVENIR UN BON NEZ ?
Plus que d’avoir un bon odorat, il faut être capable de sentir beaucoup d’odeurs différentes à la suite, sans qu’elles ne se mélangent et ne soient altérées. Il faut également avoir un esprit artistique. Quand on crée un parfum pour un client, il est nécessaire de lier nos compétences théoriques à notre imagination pour transformer un mot en matière première et raconter une histoire.

QUEL PARFUM POUR QUELLE HISTOIRE ? AVEZ-VOUS DES EXEMPLES ?
Une fois, on m’a demandé de créer un parfum qui permettrait aux gens de reconnaître les traditions de la Guadeloupe. J’ai imaginé une odeur d’épices qui tire sur le gâteau cannelle, coriandre et vanille. Une ambiance assez chaude et goûteuse. Une autre fois, on m’a commandé un parfum qui représente une femme libérée et belle, mais pas jugée. J’ai proposé une rose miellée santal avec une touche de jasmin pour la facette sensuelle.

Aujourd’hui, je suis capable de reconnaître environ 2 000 senteurs naturelles et synthétiques.

Y A-T-IL DES ODEURS QUE VOUS APPRÉCIEZ PARTICULIÈREMENT ?
La canne brûlée, le goudron mouillé après la pluie. J’aime aussi l’odeur de l’herbe coupée. J’adore celle de la fève tonka, souvent utilisée en pâtisserie. Concernant les parfums, j’apprécie les odeurs boisées (cèdre, santal, vétiver…). Mais personnellement, comme la plupart des nez, je ne me parfume pas. Pour rester le plus neutre possible pour travailler. J’utilise même des crèmes et des savons sans parfum.

ÊTRE NEZ, COMMENT LE VIT-ON AU QUOTIDIEN ?
J’analyse tout, tout le temps. Le plus souvent sans m’en rendre compte. Quand je rentre chez moi, je suis capable de dire si quelqu’un est venu. Si je croise une personne, je sais si elle vient de se doucher ou de se faire un shampoing. Si un ami fume, je devine s’il a changé de marque. Mais je le vis bien. Quand je me balade dans la nature, je ferme les yeux et j’analyse les odeurs, c’est un plaisir. Là où c’est parfois difficile, c’est quand je me retrouve au milieu d’une foule, avec des gens aux odeurs corporelles fortes ou aux haleines chargées. Je peux même deviner ce qu’ils ont mangé. Je me retrouve dans l’intimité de la personne sans le vouloir. C’est gênant et ça peut être dérangeant.

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