LE MAGAZINE DE LA JOAILLERIE ET DE L'HORLOGERIE EN CARAÏBES ET GUYANE

Pierre Demoncheau, le touche-à-tout de la matière

Guyanais d’adoption, il explore les liens complexes entre la nature et l’homme à travers des créations uniques où la matière, que ce soit du bois ou du métal, est transcendée.

Artiste, éco-designer, sculpteur ? Même s’il s’en défend, Pierre Demonchaux est un peu tout cela à la fois. Guyanais d’adoption, il explore les liens complexes entre la nature et l’homme à travers des créations uniques où la matière, que ce soit du bois ou du métal, est transcendée.

C’est une aventure de se rendre chez Pierre Demonchaux, dans son atelier-galerie du PK 13, quelque part sur la route entre Cayenne et Macouria. Mais une aventure qui vaut largement le détour ! Au bout d’une piste chaotique, l’antre du plasticien, édifiée avec d’anciens containers, du béton et du bois de Guyane, se dévoile, largement ouverte sur une nature foisonnante.

Autodidacte, Pierre Demonchaux a trente ans de carrière. Passionné de biodiversité, il commence son parcours professionnel par des études d’agriculture, afin de rassurer ses parents. Mais, très vite, à force de débrouille et grâce à quelques rencontres opportunes, il bifurque vers la création artistique. « J’ai débuté en faisant des affiches pour des clubs et restaurants lillois. » Une collaboration professionnelle avec un importateur d’éléments végétaux l’amène à se déplacer en Guyane où il finit par s’installer au début des années 2000. 

Là, il laisse libre cours à sa fascination pour la nature et la matière, recyclant toute la ferraille qu’il trouve ou qu’on lui fournit et l’associant aux bois précieux de Guyane : ébène, bois serpent, satiné rubané, etc. Il explore de multiples techniques, tâtonne afin de donner une seconde vie aux matériaux en les révélant sous leur plus beau jour. « L’avantage de pas avoir fait d’école d’art, c’est que je ne suis pas formaté. Je suis un touche-à-tout qui teste inlassablement, mêlant mes différentes expériences et pratiques. »

Tables, chaises, miroirs, sculptures… les pièces créées sont aussi bien fonctionnelles que décoratives. « C’est le côté esthétique de l’objet qui m’intéresse, plus que l’usage. » Inspiré par le brutalisme, ce mouvement architectural en vogue dans les années 50 à 70, Pierre Demonchaux confie aimer la matière dans son aspect sauvage, naturel, primitif. « Je suis très admiratif des œuvres de Pierre Sabatier mais aussi de Soulages, Giacometti ou Picasso. »

Fonderie d’art

Le métal – laiton, cuivre, zinc, bronze – prend aujourd’hui une part de plus en plus importante dans son travail. « Il a une durée de vie quasi illimitée. J’ai envie de créer des choses qui durent, c’est ma façon de lutter contre la surconsommation et l’épuisement des ressources. » Câbles électriques, canettes, extincteurs, pompes, jantes, robinets de bouteilles de gaz… sous la main de Pierre Demonchaux, rien ne se perd, tout se transforme. « Ici, on trouve des métaux en pagaille car on ne sait pas comment les recycler. »

Après la menuiserie et la chaudronnerie, la fonderie est sa nouvelle passion. C’est en Afrique, au Sénégal notamment, où il se rend régulièrement pour travailler, qu’il a peaufiné sa technique. « Passés maîtres dans l’art de la récup, les pays qui n’ont rien sont les plus créatifs. » Aujourd’hui, avec la fonderie, le plasticien dit avoir enfin trouvé un mode d’expression qui lui permet d’aller au-delà de la recherche esthétique pure et de faire passer des messages. « Je ne me considère pas comme un artiste mais il me semble ce que je fais aujourd’hui s’apparente davantage à une démarche artistique. » Le plasticien réalise, par moulage, des empreintes de déchets (emballages, polystyrène) qu’il mêle à des empreintes naturelles (crevettes, oiseaux morts, crapauds écrasés, feuillages etc..) puis il les fond dans le métal. Il allie parfois différents matériaux pour créer des nuances de couleurs.

« Très sensible à l’impact de l’homme sur l’environnement, je les confronte dans mes créations. C’est une manière d’immortaliser des actes dont on n’est pas fiers et qu’on voudrait voir disparaître ». Miroirs, lampes, bougeoirs, dessous de table, tables basses et autres sculptures deviennent le reflet d’un discours écologique engagé. Ces créations en forme de témoignages dénoncent les abus mais racontent aussi le temps où les hommes vivaient en harmonie avec la nature : « J’ai récemment réalisé une empreinte de polissoir amérindien pour rappeler ce mode de vie traditionnel, respectueux de la faune et de la flore. »

Le plasticien fourmille d’idées et n’a qu’une angoisse, celle de « casser sa pipe » avant d’être allé au bout de son inspiration. Un nouvel atelier dans le Sud de la France est en cours d’achèvement. C’est là qu’il compte, prochainement, continuer d’explorer les infinies possibilités artistiques offertes par la fonderie.

PK 13 route de Macouria, Macouria 

Instagram : Pierre Demonchaux

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