Kévin Jérémie, qui se veut avant tout artiste plasticien, ne se laisse pas enfermer dans des cases. Il avance, porté par ses idéaux et sa liberté à laquelle il tient par-dessus tout. Portrait d’un jeune prodige martiniquais.

JKing démarre par des études scientifiques et aspire à devenir hydrobiologiste afin d’étudier la flore et la faune marine. Le sujet le passionne. Cependant, le carcan imposé par ce cursus manque selon lui « d’humain » et de libre arbitre. Il fait alors volte-face et se redirige vers le campus caribéen des arts. L’étudiant est conquis par cette nouvelle filière. « C’est l’art qui me va le mieux ».
Il appréhende le dessin, la peinture, le fusain, la gravure, la photographie qu’il expérimente sur tous supports. Il démarre sa carrière par un stage au sein de l’association Milmurs en 2020 et finira par réaliser sa propre fresque en participant à l’un de leurs projets en tant qu’artiste en 2022. Si aujourd’hui il est surtout connu pour ses peintures, il ne s’interdit rien.
« J’aime toucher à tout, j’ai un appétit vorace de création. » Sa curiosité et sa créativité n’ont pas de limites. Le jeune homme n’aime guère la monotonie et s’ouvre à plusieurs expériences. Il sera ainsi résident à la cité internationale des arts de Paris entre septembre et novembre 2024. L’anthropocène : son sujet de prédilection. Très conscient que l’Homme est la principale source de changement sur terre, il aime user de son art pour sensibiliser le plus grand nombre aux différentes problématiques environnementales et sociétales éprouvées sur l’île. « La part de scientifique en moi revient souvent dans mes productions. La science et l’art, c’est devenu ma patte. » Et il apprécie par-dessus tout l’échange que lui permet le street art avec le public, un retour à vif à la fois enrichissant et gratifiant.
L’ÉCOLOGIE À TRAVERS L’ART
Dans le cadre de la résidence 490 visant à se reconnecter au littoral martiniquais, des artistes ont été invités à rencontrer des scientifiques. Un travail en trois temporalités, réparti entre trois talents, Linda Mitram, Julie Derweerdt et JKing. Ce dernier a éprouvé l’axe du présent, et il reste stupéfait d’apprendre dans ce cadre que l’anse Charpentier, plage du nord Atlantique accueillant la ponte de tortues marines, abrite une ancienne décharge enfouie et qu’elle serait l’une des plages les plus polluées de France.
Cette situation favorise la pollution organique et accentue le risque d’extinction des espèces protégées. « Je ne pouvais pas ne pas nettoyer. » Il se servira des ordures collectées pour en faire une œuvre, une tortue, toujours dans l’espoir de faire prendre conscience à l’humanité des conséquences de ses actes. Cette résidence lui offrira également l’opportunité de découvrir la mangrove de Ducos. « C’est un milieu qui me fascine, c’est incroyable qu’un écosystème aussi fragile soit si proche de l’homme. » Une autre incohérence le surprend : des actions sont mises en œuvre afin de protéger ces sites, quand dans le même temps des circuits touristiques y sont organisés.
DES PROJETS FORTS
Sa première fresque d’envergure, il la réalisera à l’hôpital Pierre-Zobda-Quitman, une rose de porcelaine. Une façon pour lui d’offrir aux jeunes en fin de vie un peu de joie et de mettre en exergue la santé des patients comme celle de l’hôpital dans un univers souvent craint par la population.
Jérémie exporte également son talent. En 2023, il apporte un regard neuf à la ville de Bègles en Gironde, de nouveau en collaboration avec Milmurs en repeignant entièrement un terrain de basket afin « d’apporter de la couleur là ou il n’y en avait pas ». Un pari risqué sur le thème de la complémentarité visant à réconcilier les anciens habitants de la ville, fervents défenseurs du patrimoine, aux plus jeunes qui rêvent de voir leur lieu de vie se moderniser. Plus qu’une réconciliation, une union de toute la population grâce à l’art.
Changer le monde à travers un dessein artistique ? Il semblerait que non seulement ce jeune virtuose y croit, mais qu’en plus il en soit capable, à son échelle. Illustrant l’adage « l’espoir fait vivre ».
Eléonore Théodose