Isabelle Vestris, 31 ans, nommée directrice générale du Mémorial ACTe, a pris ses fonctions le 12 décembre 2024. Elle raconte son lien très particulier avec cet établissement et dévoile le concept des saisons culturelles qui vont ponctuer les cinq ans à venir.

Propos recueillis par Isabelle Chevalier
Isabelle Vestris a grandi dans le centre de Pointe-à Pitre, près de la place de la Victoire. « J’ai une affection toute particulière pour le patrimoine de cette ville, et notamment le MACTe. », souligne-t-elle. « J’ai une histoire avec l’établissement. »
Le MACTe a été construit à l’emplacement de l’ancienne usine sucrière Darboussier. Elle a assisté à son démontage. « Mon frère a même travaillé sur le chantier. » Ensuite, Isabelle Vestris a vu le MACTe sortir de terre. Elle était alors étudiante, à Paris, mais rentrait régulièrement pour les vacances. Après un double cursus en lettres modernes (Sorbonne) et en sciences sociales (Sciences Po Paris), puis un master en affaires publiques spécialité culture, toujours à Sciences Po Paris, l’étudiante est rentrée en Guadeloupe, où elle a travaillé un an à la Région sur la mission de préfiguration de l’établissement public de coopération culturelle Mémorial ACTe. Elle complète ensuite ses connaissances avec un master en gestion du patrimoine culturel. De retour en Guadeloupe quatre ans plus tard, en 2021, après avoir travaillé à la collecte de fonds pour le patrimoine français à New York, puis pour une société qui gère des monuments français en France et en Belgique.
La jeune femme est alors embauchée à la Région, comme chargée de projets structurants en matière de culture. « J’ai notamment monté le label Art contemporain Guadeloupe et travaillé sur le projet du centre régional des musiques et danses traditionnelles. »
UN PROJET AMBITIEUX POUR LE MACTe
Et quand il s’est agi de désigner une nouvelle directrice au MACTe, c’est finalement sa candidature qui a été retenue. « J’avais des idées à porter et ce sont elles qui ont été choisies. » Son projet d’orientation – « Le rhizome est la matrice du lien » – est ambitieux. « Le rhizome vient de la pensée d’Edouard Glissant, qui parle de diversalité plutôt que d’universalité. L’histoire de l’esclavage et de la Guadeloupe appelle énormément d’histoires dans le monde. Toutes ces histoires se croisent et se confondent au MACTe. Cette histoire n’est pas unique, mais diverse, protéiforme, multiple et il faut assumer sa complexité. Cette identité plurielle, c’est ça qui crée le lien au monde et entre nous. Il faut penser le MACTe comme un lieu monde et rendre cette complexité accessible au public à travers des saisons culturelles, des cycles et des expositions. »
« Le programme, explique la nouvelle directrice générale du MACte, va se décliner en saisons culturelles sur les cinq prochaines années. L’idée, ce serait de proposer, en moyenne, trois expositions par an. Chaque exposition reprendra une thématique de société, d’histoire de l’art ou le questionnement d’un artiste. Et elle sera augmentée par une saison culturelle avec des concerts, des universités populaires, du théâtre…
Certains formats reviendront comme le tras é jénèz dans lequel on reviendra sur le parcours de l’artiste, son histoire personnelle et la manière dont elle a influencé son travail. »
Le plasticien Antoine Nabajoth – cf. l’interview réalisée par Isabelle Chevalier dans le dernier numéro de JOHO magazine et visible sur notre site www.johomagazine.com – a inauguré cette nouvelle ère du MACTe, avec son exposition Pawòl an kann, une monographie sur notre histoire rurale et la canne à sucre, mais aussi un retour sur ses quarante ans de carrière. A travers 140 toiles l’exposition a permis « un dialogue entre tous les lieux qu’on retrouve autour des champs de canne et dans les campagnes de la Guadeloupe (cases créoles, lolos…), mais aussi des moments, comme les léwòz ».
Inauguré en 2015 par le président François Hollande, le Mémorial ACTe fête cette année ses 10 ans. Pour l’occasion, Isabelle Vestris indique qu’une réflexion va être lancée dans l’optique de mettre à jour l’exposition permanente.
« Il s’agira de questionner le contenu, de travailler sur la scénographie et la muséographie avec le concours d’experts. » Le projet sera validé par un comité scientifique, l’objectif étant de rendre possible cette mutation de l’exposition sur les deux années suivantes.