Propos recueillis par Isabelle Chevalier
Le carnaval est une source d’inspiration pour le peintre et plasticien Antoine Nabajoth, qui a présenté, en février dernier, l’exposition An kannaval a tèt, à Baie-Mahault. Rencontre avec l’artiste dans son atelier des Abymes.
Un atelier aussi pour les enfants
Dans son atelier de Palais Royal, aux Abymes, Antoine Nabajoth crée, mais il enseigne aussi l’art aux enfants, des plus petits aux plus grands.
Il encadre également les élèves qui préparent le concours d’entrée à l’école des beaux-arts de la Martinique, où il a lui-même étudié pendant cinq ans. C’est là qu’il a rencontré Michel Besnard, artiste peintre et graphiste, et Victor Anicet, céramiste.
« Ils m’ont beaucoup appris. »
An kannaval a tèt est votre troisième exposition sur le thème du carnaval.
Pouvez-vous nous parler des précédentes ?
La première, c’était en 2004. J’ai créé le logo du groupe Vim et, en m’inspirant des épouvantails, j’ai réalisé une cinquantaine de bwa-bwa, des personnages fabriqués avec des matériaux de récupération. Vim a défilé avec eux. La seconde, c’était en 2010, Mas é moun an kannaval, à Lamentin. J’ai présenté des peintures et des masques sur le carnaval.
Pourquoi cette nouvelle exposition et que vouliez-vous exprimer ?
Je l’ai proposée à l’occasion des vingt ans du groupe Vim. J’ai voulu représenter l’ensemble des composantes du carnaval, les groupes à peau, à caisses claires et les ti-mas. J’ai résumé toute ma sensibilité sur le carnaval. Je me suis, notamment, inspiré des coiffes des groupes à peau. Depuis 2010, j’ai constaté que le carnaval a beaucoup évolué, particulièrement les groupes à peau. Vim a apporté de l’esthétique. Les carnavaliers ont mis de la couleur sur leur peau et dans leurs costumes. J’ai présenté trente tableaux grand format. Des œuvres très colorées mêlant peinture acrylique et matériaux de récupération. J’aime la couleur, j’y suis très sensible.
Ces grands formats sont assez récents.
Qu’est-ce qui a changé dans votre travail ?
Comment a-t-il évolué ?
Depuis quatre ans, je travaille sur des grands formats. Et de plus en plus sur des fonds blancs, avec des personnages en mouvement, principalement des femmes créoles. Et il y a de plus en plus de matière dans mon travail, d’épaisseur. Il est de plus en plus graphique aussi. Maintenant, je mélange la peinture acrylique, l’encre de chine, l’encre de couleur et les feutres. Pour peindre, je me sers de morceaux de carton, de vieux pinceaux, de couteaux de cuisine, de bouts de bois…
Cette exposition vous a demandé un an de préparation, mais vous dites que c’était une parenthèse.
Quel est votre grand projet ?
Depuis quatre ans, je prépare une grande exposition qui résumera les quarante dernières années de mon travail, l’ensemble de mon œuvre. J’ai déjà deux cents toiles de prêtes. En fin d’année, je devrais en avoir environ deux cent cinquante. Mais je prends mon temps. J’attends le bon moment et, surtout, il faut trouver le lieu qui pourra l’accueillir. Faute d’espace d’exposition assez grand en Guadeloupe, il faudra sans doute en aménager un, peut-être un hangar. Ou bien envisager de la présenter ailleurs…
Quel est le fil conducteur de l’ensemble de votre production ?
Je m’intéresse à mon pays. Je peins la Guadeloupe. C’est un travail sur le patrimoine, dont fait partie le carnaval, et sur les paysages. Par exemple, dans ma grande exposition, il y aura une série de toiles sur la canne à sucre. J’ai été élevé à la campagne et elle m’inspire beaucoup. J’aime les couleurs des mares, les Grands-Fonds, Anse-Bertrand pour son côté authentique, les moulins de Marie-Galante, les cases créoles. J’aime aussi les léwòz, les jeux traditionnels… Les couleurs, la gestuelle, l’ambiance. C’est tout ça qui me parle et m’inspire.